Dans le cadre de la Semaine Européenne de la Réduction des Déchets, Cédric Christophe a bien voulu répondre à quelques questions concernant sa cuisine écoresponsable. Il est en effet Chef cuisinier au Collège Ronsard et membre du PLDMA (Programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés).
Depuis quand travaillez-vous avec une cuisine écoresponsable et que cela représente-il pour vous ?
Je suis arrivé au Département du Nord en tant que chef de cuisine en 2010. J’ai débuté par le Collège de Trélon. Dès mon arrivée, mon souhait était de mettre en place un approvisionnement le plus local possible, des produits bruts, frais et bio. Je ne me voyais pas faire de la restauration collective comme avant. On a encore aujourd’hui cette image négative de la cantine avec de la malbouffe qui nous rebute. Quand j’ai passé le concours pour entrer dans la restauration collective scolaire, je ne voulais pas faire qu’avec des produits élaborés en conserve. Mon but était vraiment de pouvoir donner une image différente de la restauration collective. Depuis que je suis au Département du Nord, énormément de choses ont évolué. Maintenant, ce sont ceux qui ne font pas de local qui se sentent un peu seuls.
Qu’est-ce qui vous a poussé à le faire ?
C’est une motivation personnelle. J’ai toujours fait la cuisine avec mes parents et grands-parents avec des produits du jardin. Nous favorisions le local. Quel est l’intérêt d’aller chercher des produits au bout du monde alors que nous les avons à côté de chez nous ? Par exemple, nous avons parfois des produits à prix équivalents qui viennent d’Europe ou plus loin alors que nous les avons sur notre territoire. Pourtant, nous avons quand même un territoire très diversifié en offres de produits alimentaires. Nous avons tout ce qu’il faut proche de chez nous mis à part des produits assez spécifiques. Dans mon établissement, pour l’année, nous sommes arrivés à 45% de produits locaux et régionaux des Hauts de France. Sur ces 45%, nous sommes presque à 15% de produits bio et locaux !
Avez-vous eu des difficultés à mettre cela en place ou au contraire avez-vous trouvé cela plus facile que prévu ?
Au début, les producteurs étaient réticents à travailler avec des restaurants scolaires par peur de ne pas avoir assez de commandes passées chez eux. De plus, il fallait aussi qu’ils soient en capacité de produire les quantités demandées sans pour autant mettre en danger leur clientèle habituelle. Aussi, il y avait un aspect administratif et logistique à mettre en place. Il y a encore quelques années, le producteur nous donnait une facture. Or, dans l’administration c’est très réglementé au niveau comptable. Les producteurs souhaitant travailler avec les administrations ont donc eu des formations pour pouvoir le faire.
Avec quels types de produits travaillez-vous le plus ?
En local, on commande principalement tout ce qui est pommes de terre et œufs. On les achète sur une exploitation bio qui se trouve à Saint-Hilaire-sur-Helpe. Pour les yaourts et fromages, on prend ceux de la ferme du tout vent à Beaufort. On travaille avec les ateliers du Val de Sambre, en maraichage pour les légumes en saison. C’est une exploitation bio qui est sur Recquignies et la Longueville. Pour la viande, nous avons Agriviande sur Avesnes sur Helpe. Pour la boulangerie, nous travaillons avec celle d’Hautmont. Le plus complexe est l’épicerie sèche. Nous avons un gros travail à faire aussi sur le tri et la réduction des déchets. Dans l’établissement, nous avons mis en place un système de tri participatif. Les élèves trient leurs déchets alimentaires et non alimentaires eux-mêmes. Les épluchures sont mises dans un compost. Un atelier jardin a été mis en place avec des professeurs et des élèves. Le but est de créer un jardin en permaculture. Ainsi, nous pourrons semer et cultiver des produits que l’on pourra utiliser en restauration. Pour travailler avec du local et du bio, la volonté de la collectivité est aussi très importante ainsi que des agents dans les restaurants scolaires. Il faut aussi que les établissements soient équipés pour pouvoir le faire. Je pense que le plus gros travail à faire est sur la restauration des écoles maternelle et primaire. Bien sûr, cela a un coût pour les petites communes mais on sent qu’il y a des lacunes chez les enfants. Quand ils arrivent en 6ème au collège, on constate qu’ils ne savent pas réellement ce qu’est le bien manger. Pourtant, on sait que c’est possible de pouvoir changer la restauration dans ces établissements.
Vous avez reçu un prix pour votre cuisine écoresponsable, qu’est-ce que cela vous évoque ?
C’est une reconnaissance du travail effectué au collège et au quotidien, pour moi et pour les agents avec qui je travaille. Certains sont d’ailleurs très épanouis de pouvoir travailler avec de vrais produits de qualité. C’est valorisant pour eux et ils se sentent utiles.
Si vous aviez des conseils à donner à des entreprises et collectivités qui souhaiteraient se lancer dans la cuisine écoresponsable, quels seraient-ils ?
C’est un travail qui se fait sur plusieurs années. C’est très valorisant pour le personnel. Je ne suis pas un fan des grosses cuisines centrales. Je suis plutôt fervent défenseur de la petite cuisine centrale qui utilisent des produits locaux et qui pourraient justement être soutenues par l’Agglo. Ce serait vraiment un super projet à mettre en place.
Est-ce qu’il y a d’autres actions ou projets que vous aimeriez mettre en place à l’avenir ?
Nous avons une portes ouvertes en juin 2022. J’aimerais mettre en place plus de liens entre les parents, les enfants, la restauration scolaire et les producteurs. J’aimerais organiser un petit marché de producteurs avec ceux qui travaillent avec nous. Le problème, comme je le disais avec les écoles primaires et maternelles qui sont fournies par les cuisines centrales, c’est que les enfants arrivés au collège pensent encore que tout est réchauffé sur place alors que pas du tout ! J’organise donc parfois des visites des cuisines pour les élèves. Cela change leur regard sur notre travail. Il y a donc un gros travail de communication et d’explications.
Crédits photo : La Voix du Nord