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Présentation du Collectif Machine Sauvage
Interview réalisée par Guillaume Bouvy
Qu’est-ce qui vous a animé pour réaliser cette résidence ?
Thomas Pukrop (TP) : « C’est la première fois qu’on postule à quelque chose. Ça permet d’aller au contact des gens et de tester des installations et des dispositifs. Cela peut permettre d’ouvrir des portes, peut-être monter des spectacles. C’est aussi un moyen de revenir aux bases de notre pratique, en expliquant avec des mots simples à des enfants. »
Thomas Zaderatzky (TZ) : « Nous sommes pour toute action culturelle. Depuis des années on a développé des outils pédagogiques propres pour présenter au public notre travail. La résidence permet également d’apporter une sécurité pour asseoir nos compétences au niveau pédagogique. C’est aussi une façon de s’inclure plus largement dans la société au lieu de rester dans sa tour d’ivoire d’artiste. La résidence est une ouverture, c’est un temps et un espace accordé à quelque chose, que l’on n’a pas forcément dans le quotidien, où nous répondons à beaucoup de commandes. »
T.P. : « Il n’y a pas de stress de rentabilité ou de réussite, nous sommes plus sereins. »
Quelle est votre proposition artistique dans le cadre de cette résidence ?
T.P. : « Nous avons proposé la thématique art et science. En partant de la technique, on déroule pour arriver jusqu’à ce qu’on fait, qui est artistique. Nous adaptons certaines formes pour les petits et les enfants, pour rendre notre travail plus accessible. Par exemple, le contrôleur pour le son et les capteurs ont été simplifiés, en regroupant les commandes. »
T.Z. : « Avant de venir sur le territoire, il y a eu un temps de préparation et de création. Nous nous servons de matériel et de programmes pour appuyer notre pédagogie. Nous avons développé des outils propres, sur-mesure. La pédagogie se veut grand public et adaptée, tout comme le vocabulaire. Le numérique est omniprésent mais la plupart des gens ne s’y intéressent pas. Très peu de personnes ont déjà ouvert un logiciel de vidéo et de montage. »
T.P : « Si les enfants du primaire par exemple sont capables de retenir quelques mots, l’objectif est gagné. Pendant nos interventions nous donnons un mini-cours d’art et d’histoire de l’art, pour favoriser l’ouverture culturelle et montrer qu’il n’y a pas que les musées. Le but est de déconstruire les principes et être plus critique.
Comment mettez-vous en œuvre ces objectifs ?
T.Z. : « Nous sommes des plasticiens artistes mais aussi avec un côté ingénieurs. Nous encourageons le faire soi-même, dans la continuité des makers et des FabLab. Cela consiste à partager et donner accès au savoir au plus grand nombre, dès la maternelle. Nous avons par exemple participé à la semaine des jeux mathématiques, c’était très intéressant. À cette occasion, nous avons créé une machine qui se présentait comme un orgue de Barbarie. À la place des cartes perforées, on a mis une caméra qui filme des zones à haut contraste, et qui en extrapole une conduite musicale. Nous l’avons appelé automascope. Grâce au FabLab de la Gare Numérique, en une après-midi on avait notre prototype. »
T.Z : « Nous encourageons le faire soi-même, dans la continuité des makers et des FabLab. »
T.P : « Pour nous, pouvoir bénéficier de ces équipements sur le territoire c’est une opportunité. Nous avons aussi pu réaliser un geste artistique avec le groupe de musique Fergessen. Cela nous a permis d’expérimenter des techniques qui sortaient un peu de nos habitudes, avec un prototype de dispositif scénique pour faire de la lumière volumétrique. Au niveau des interventions, nous favorisons aussi l’auto-didactisme : regarder un tuto sur internet et croiser les sources. Par exemple la programmation peut s’apprendre sur internet. La plupart des savoirs sont en ligne. Rien que sur Youtube il y a beaucoup de choses. »
La résidence a été suspendue, comment comptez-vous continuer ce qui avait été commencé ?
T.Z. : « On navigue dans une forme d’incertitude, mais on a confiance dans la volonté de l’Agglomération à faire perdurer la résidence. Ce ne sera pas la même chose que sur place, mais nous allons faire avec les moyens virtuels. Nous pourrons par exemple mettre de la musique en ligne, faire un live enregistré. On reste tributaires de l’éducation nationale, mais on est prêts ! Il faudra dans tous les cas garder une approche ludique, avec des contenus qui pourront être réappropriés par les enseignants. »
TZ : « On navigue dans une forme d’incertitude, mais on a confiance dans la volonté de l’Agglomération à faire perdurer la résidence »
T.P. : « Tout l’intérêt était d’intervenir dans les écoles, c’est difficile de s’adapter mais pas impossible. On peut par exemple organiser des questions/réponses avec les élèves. »
Comment vous informez-vous en ce moment ?
T.P. : « Au début tous les matins et jusqu’à la deuxième semaine du confinement, je lisais les journaux en ligne par Facebook et Google Actualités. Maintenant plus du tout. J’attends la fin du confinement. En ce moment l’actualité est tellement compliquée, il y a des polémiques et tout le monde est devenu médecin et spécialiste. Je préfère m’éloigner de ce brouhaha général et ce climat de confusion où il est difficile d’entendre et de comprendre les informations. »
T.Z. : « Avant, je regardais France Info et j’écoutais plus la radio. Et j’ai ressenti une grande lassitude. On a vu une homogénéité de la peur. Je comprends pour autant la gravité de la situation, mais je préfère consulter des médias scientifiques plus froids, comme Astronomy Picture of the Day de la NASA. »
En tant qu’artistes comment vivez-vous cette crise ?
T.P. : « Ce que nous vivons me fait penser au film Contagion. C’était prévisible et ce qui se passe en ce moment n’est pas inédit. Sauf que là c’est un peu un mélange entre 28 jours plus tard et la 7e compagnie. En tout cas la science-fiction porte un regard intéressant sur ce type de problématique. »
T.Z. : « Pour un artiste, une situation d’apocalypse est intéressante. Cela stimule la créativité pour les loisirs. À titre personnel, je fais beaucoup de musique en ce moment, même si ce n’est pas mon métier. La vie normale est amputée de beaucoup de choses, alors on essaie d’en tirer partie de façon dématérialisée. Je suis plutôt content de ce qui se fait sur Internet. La culture humaine existe, c’est rassurant. »
Les publications du Collectif Machine Sauvage
« Des compositions éphémères réalisées lors d’interventions en classe prennent vie dans un jeu de géométrie. En travaillant sur un même gabarit, les créations peuvent s’enchaîner et révèlent les individualités de chaque groupe. Pensées à l’origine pour de l’installation en projection, ces vidéos s’apprécient comme on regarde un paysage. »
Composition 2 : CM1/CM2 école d’Assevent